En collaboration avec les Maisons Arc-en-Ciel et nos associations membres, Prisme a co-construit un mémorandum comprenant dix axes de revendications pour une meilleure intégration des thématiques LGBTQIA+ dans l'éducation et la formation. Notre premier dossier thématique porte sur l'axe « éducation et formation » et aborde deux volets clés : l'éducation et la formation des professionnel·les.
Nous nous concentrerons en premier sur le cas de l'EVRAS.
La généralisation des animations EVRAS (Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle) dans les écoles primaires (6ème année) et secondaires (4ème année) marque une avancée significative en matière d'éducation et de protection des enfants. Cependant, cette initiative a suscité une panique morale alimentée par la circulation de fausses informations et d'idées reçues. Des groupes conservateurs se sont emparés de ce sujet, prétendant protéger les enfants, tout en diffusant des informations erronées sur les objectifs et les contenus de ces animations. Pourtant, le but principal de l'EVRAS est de fournir un espace sécurisant pour tous·tes les élèves, en particulier celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’hétéro-cis-normativité1. Ce programme vise à prévenir le mal-être potentiel et à assurer la santé mentale et physique de tous·tes les enfants et adolescent·es.
Le guide EVRAS a été élaboré par des professionnel·les formé·es et outillé·es pour comprendre les besoins spécifiques des jeunes. Contrairement aux accusations portées par ses détracteur·ices, il ne s'agit pas d'imposer de nouvelles normes sociales, mais bien de reconnaître les diversités existantes afin d'accompagner chaque jeune de manière adaptée (et par conséquent, inclusive et égalitaire). L’objectif est de créer un environnement où les enfants et adolescent·es peuvent s’épanouir sans crainte de stigmatisation ou de discrimination liée à leur orientation sexuelle, leur identité/expression de genre et/ou la variation de leurs caractéristiques sexuées.
Les discours opposés à l’EVRAS, véhiculés par des groupes tels que l'« Observatoire de la petite sirène », « Innocence en Danger » ou la « Ligue Wallonne de la santé mentale », reposent sur des théories anti-genre et universalisantes qui mettent en danger les enfants et adolescent·es appartenant à des minorités de genre. Ces discours ignorent la réalité des vécus et des ressentis de ces jeunes, les privant ainsi de l'accompagnement nécessaire à leur construction individuelle et sociale.
Nous soulignons également que les interventions EVRAS dans les écoles permettent aussi d’éveiller les enfants et adolescent·es aux notions centrales de consentement, de diversité et de respect de l’autre. La sensibilisation des jeunes à ces thématiques fait partie des recommandations martelées par les organismes de protection de l’enfance comme un moyen de réduire les risques d’agressions sexistes et sexuelles.3
Les opposant·es à l’EVRAS ont amplifié leur discours en instrumentalisant les droits des enfants à des fins conservatrices. Plutôt que de s’appuyer sur des faits ou sur la littérature scientifique4, ils ont créé une panique morale infondée. La désinformation a été véhiculée par des groupes affiliés aux théories du complot et pédocriminelles, allant jusqu'à évoquer l'existence d'un supposé "lobby LGBTQIA+" qui manipulerait les enfants. Ces allégations sont sans fondement et ont des conséquences potentiellement graves sur le bien-être des enfants concernés. Un article de la Rédaction Décrypte de la RTBF intitulé « Complotistes, extrême-droite et adeptes de théories pédocriminelles : voici le réseau des désinformateurs sur l’Evras en Belgique »5 démontre comment ces acteur·ices ont orchestré une campagne de désinformation massive notamment via les réseaux sociaux. Nous tenons ici à souligner que nous ne remettons pas en cause la légitimité de l’inquiétude des parents mais plutôt le fait que cette vague de panique soit créée de toutes pièces par de fausses informations circulant significativement plus rapidement que les décryptages fondés sur les faits6.
La mise en place des animations EVRAS repose sur des constats établis par de nombreuses études scientifiques. Entre autres :
Face à ces constats, l’EVRAS vise à offrir un cadre sécurisant où les enfants peuvent aborder librement leurs questions et leurs inquiétudes, en l’absence parfois de réponses adaptées de la part de leurs parents. L’EVRAS n’est pas la cause des "dérèglements" invoqués par ses opposant·es ; elle s’est construite pour répondre aux défis actuels et pour protéger les enfants dans leur développement. Nous insistons sur le fait que l’idée véhiculée selon laquelle l’EVRAS s’attribuerait un rôle qui devrait normalement être attribué aux parents doit absolument être démentie pour au moins quatre motifs : premièrement, pour les raisons évoquées plus haut, certain·es enfants ne sont pas en sécurité dans leur cadre familial. Deuxièmement, tous·tes les parents ne sont pas outillé·es pour répondre à toutes les questions relatives à la vie relationnelle, affective et sexuelle ou ne se sentent pas à l’aise d’aborder ces sujets avec leurs enfants. Troisièmement, les animateur·ices formé·es au guide EVRAS abordent uniquement les sujets mis sur la table par les enfants et adolescent·es présent·es lors des animations. Enfin, il est plutôt déraisonnable voire fallacieux de prétendre que deux fois deux heures d’EVRAS pourraient à ce point supplanter l’éducation prodiguée par les parents.
Les animations EVRAS représentent une réponse proactive et nécessaire aux défis actuels de l'éducation des enfants dans une société de plus en plus diversifiée. Les représentant·es politiques ont un rôle clé à jouer pour garantir que ces programmes soient mis en œuvre de manière efficace et que les discours de désinformation soient contrés par des politiques inclusives, basées sur des faits et sur une compréhension approfondie des enjeux sociaux.
(1) Système de normes, de privilèges et d'oppression qui organise le pouvoir social autour de l'identité sexuelle et de l'identité de genre, dans lequel les personnes hétérosexuelles cisgenres se situent au-dessus de toutes les autres. Par conséquent, les personnes LGBTQIA+ sont dans une situation de désavantage systémique. Source : PraTIQ (Prisme) https://www.pratiq.be/glossaire
(2) À consulter sur le site de la plateforme EVRAS : https://www.evras.be/generalisation/strategies-concertees/publications/
(3) Voir “Inspire : Seven strategies for ending violence against children” document élaboré par l’OMS et l’UNICEF, spécifiquement les pages 67 et suivantes, consultables ici : https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/207717/9789241565356-eng.pdf?sequence=1
(4) Nombreuses sont les publications sérieuses et fondées sur une recherche scientifique (médicale, psychiatrique et sociologique) à démentir factuellement la désinformation propagée par les discours anti-EVRAS. Nous restons à votre disposition pour tout partage de ces informations. Il serait trop alourdissant de tout lister ici.
(5) À consulter ici : https://www.rtbf.be/article/complotistes-extreme-droite-et-adeptes-de-theories-pedocriminelles-voici-le-reseau-des-desinformateurs-sur-l-evras-en-belgique-11256548
(6) À cet égard, l’article de la RTBF sur le fact-checking et le décryptage spécifique aux paniques morales véhiculées sur l’EVRAS : https://www.rtbf.be/article/inside-comment-faire-face-a-la-desinformation-qui-circule-au-sujet-de-levras-11256370
(7) Voir : https://www.unicef.be/fr/plaidoyer/le-plaidoyer-sur-divers-themes-politiques/la-violence-legard-des-enfants#:~:text=En%202018%2C%20en%20Flandre%2C%208.669,ans%20(Report%20Card%20UNICEF%2014) et https://www.unicef.be/fr/les-priorites-de-lunicef/protection-des-enfants
(8) Voir notamment l’article suivant, rapportant les chiffres de l’enquête de l’institut Childlight publiée le 27 mai 2024 : https://www.francetvinfo.fr/societe/enfance-et-adolescence/pornographie-trois-questions-sur-l-exposition-des-enfants-a-des-images-sexuelles-sur-internet_6568349.html
(9) Voir : Morandini, Marie. Comment le droit pénal belge protège-t-il les mineurs de leur vulnérabilité sur les réseaux sociaux ? Faculté de droit et de criminologie, Université catholique de Louvain, 2019. Consultable ici : http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:18698.