Le 17 mai marque la journée internationale de lutte contre les LGBTQIA+phobies, une journée dédiée à la défense de nos droits et à la lutte contre les discriminations quotidiennes subies par nos communautés.
La Fédération Prisme a choisi de mettre en lumière quatre récits inspirants. Ces portraits mettent en valeur des individus pour qui l'acceptation totale de leur identité a été le plus précieux des dons. Vivre pleinement et sans entraves est parfois un véritable havre de paix pour certaines personnes.
Le quatrième témoignage est celui de Michaël, un homme de 51 ans qui partage son expérience de coming-out. Après avoir vécu une vie de famille, marié avec une femme et ayant une fille, Michaël a pris la décision de vivre en accord avec qui il était vraiment.
Malgré les défis potentiels, Michaël exprime une gratitude profonde envers sa famille, en particulier son ex-femme, qui est devenue sa meilleure amie, et sa fille de 17 ans, qui soutiennent pleinement son parcours. Leur relation s'est transformée avec le temps, illustrant la possibilité de maintenir des liens forts et harmonieux malgré les changements personnels.
Au travail, Michaël évoque avec satisfaction le fait que son coming-out n'a pas posé de problèmes, même dans un environnement professionnel réputé pour son machisme, en tant que civil de la police. Cette acceptation au sein d'un milieu traditionnellement masculin souligne l'évolution des mentalités et l'importance croissante de l'inclusion et de la diversité dans tous les domaines de la société.
Personnellement, ç’a été très compliqué. Je remettais en cause toute une partie de ma vie, de ce que je pensais être. Dans ma tête c’était l’explosion, je me posais mille questions, qu’est-ce que j’allais dire à ma famille, à mes amis, au travail, à ma fille... Honnêtement, je savais au fond de moi que j’avais toujours eu une attirance pour les garçons. Cependant, venant d’un village du fin fond des Ardennes, d’une famille plutôt traditionnelle, d’un milieu très conservateur et sans figure homosexuel positive dans mon entourage, j’ai fait comme tout le monde et j’ai reproduit le système mariage-enfants. Mais ça ne peut durer qu’un temps, on ne peut pas se mentir à soi-même éternellement. Donc oui, au départ ç’a été très compliqué à gérer, à comprendre, à comprendre surtout qui j’étais réellement. J’ai pu compter sur un très bon ami gay qui m’a vraiment aidé, conseillé, accompagné et surtout ouvert les yeux.
Ma principale crainte a été par rapport à ma fille. Comment faire comprendre à une petite fille de 4 ans que papa et maman ne s'aiment plus, qu’ils se séparent. Surtout, lui faire comprendre que ce n’est pas sa faute, qu’elle ne doit pas se sentir coupable. Puis lui faire comprendre que papa préfère les garçons. Et lui expliquer ce que c’est qu’être gay, que ça ne changera rien à ma relation avec elle. Dans ce cas, avec sa maman, nous avons pris la décision de nous faire aider par une pédo-psy et ça nous a fait du bien à tous les trois. Cette «expérience » a sans doute fait grandir ma fille trop vite et lui a fait prendre de la maturité trop rapidement.
C'était très compliqué au départ. Nous avons eu de grands moments de prise de tête, d’engueulades, mais jamais devant notre fille. Notre grand principe a toujours été de faire passer notre fille avant nos soucis. Mon ex-femme s’est sentie trahie, blessée par moi et je peux le comprendre. Avec le temps et beaucoup de discussions, elle a fini par comprendre qu’au final c’est moi qui me mentais à moi-même et que ça me rendait malheureux et que nous séparer était la meilleure idée. Nous disons souvent que si nous n’avons pas réussi notre mariage, au moins nous avons réussi notre divorce. Treize ans après, c’est devenue ma meilleure amie et je pense que je suis son meilleur ami. Elle sait qu’elle peut tout me confier et je sais que je peux tout lui dire. Elle sait qu’elle peut toujours compter sur moi et je sais que je peux toujours compter sur elle.C’est à un tel point que mon compagnon et moi avons été invités par elle et son mari à leur mariage. Nous nous voyons très régulièrement pour de bonnes bouffes entre amis.
« Les conseilleurs ne sont pas les payeurs » Je dirais juste qu’il ne faut pas avoir peur. Il faut mieux être honnête avec soi-même et en accord avec ce que l’on est, ce que l’on ressent que de rester dans le mensonge toute sa vie. À un moment, ça vous bouffe tellement que ce n’est plus tenable. Je n’ai pas à juger les autres, mais je ne me serais pas vu rester marié et tromper ma femme avec des hommes pour un coup vite fait de temps en temps. Ça n’aurait pas été honnête vis-à-vis d’elle et vis-à-vis de moi. Ici, elle comme moi, nous avons pu refaire notre vie et, finalement, nous sommes plus heureux maintenant. Elle est avec son mari et leur famille recomposée et moi avec mon compagnon depuis13 ans. Au niveau des enfants, il vaut mieux ne pas raconter d’histoires ou mentir, ils sont plus perspicaces que ce que l’on peut croire. Juste bien leur faire comprendre que la séparation n’est jamais leur faute, par la suite prendre le temps. Je n’ai présenté qu’un seul homme à ma fille, celui qui partage ma fille et l’élève avec moi depuis 13 ans. Je ne voulais pas lui donner l’image d’un papa célibataire qui profite. Mon objectif était de lui présenter une personne qui serait la bonne pour moi et par ricochet pour elle aussi. Et même si mon compagnon m’a toujours dit qu’au départ, il ne voulait pas d’un homme plus vieux (nous avons un écart de 10 ans) avec des enfants. Il s’avère que finalement, c'est un super beau-père.
Dans ma zone de police, je suis le référent en matière de cybercriminalité. Mon rôle est d’aider et de former au mieux mes collègues dans cette matière qui évolue sans cesse et n’est pas toujours facile à maîtriser.
Étonnamment, mon coming out auprès de mes collègues s'est mieux passé que ce que j’aurais pu penser. Certains ont eu du mal à comprendre, mais, après une bonne explication, c’est passé. J’ai vraiment été soutenu par ma direction et lorsqu’il y a eu des remarques, mon chef de zone a tout de suite recadré les intéressés. La police en 2024 est beaucoup plus attentive à la problématique LGBTQIA+. Chaque zone de police doit avoir un référent anti-discrimination. Il ne faut pas croire que tous les policiers sont de gros machos bourrus. D’une part, la profession s'est beaucoup féminisée depuis quelques années, d’autre part, il y a beaucoup de personnes LGBTQIA+ qui travaillent à la police, que ce soit des civils ou des opérationnels. Les choses changent trop lentement pour certains et sans doute avec de vieilles habitudes qui restent, mais elles changent surtout avec les jeunes collègues qui arrivent.
Pas de réactions inattendues, pas de préjugés, au pire une ou deux remarques, mais vite recadrés par ma direction. Ma zone organise tous les deux ans une soirée avec l’ensemble du personnel et les conjoints et j’ai été encouragé à venir avec mon compagnon dès le départ. J’ai même un collègue qui est venu me demander des conseils quand son fils a fait son coming out. Si certains ont pu avoir des préjugés, ils ne l’ont jamais dit directement, ni fait sentir. Cela fait 17 ans que je suis dans ma zone et les collègues me connaissent. Quand un nouveau arrive, les photos sur mon bureau et mon bracelet arc-en-ciel font qu’aucune explication n’est nécessaire. D’ailleurs, quand nous parlons de nos familles, je parle de mon compagnon comme d’autres parlent de leur épouse ou de leur mari. Un collègue m’a dit un jour que finalement, nous avions une vie de famille aussi chiante qu’une vie de famille hétéro.
Cela m’a permis d’être un peu plus empathique avec mes collègues qui rencontrent un souci de la vie, d’être plus à l’écoute. Mais aussi, cela a affermi mon caractère et ma répartie. J’ai tendance à répondre du tac au tac et à leur montrer qu'être ne gay ne veut pas dire que je me laisse faire et que je peux avoir une aussi grande gueule qu’eux.
Il faut savoir qu’il existe une association au sein de la police, les Rainbowcops dont le rôle est d’informer, de former, d’orienter et de sensibiliser les collègues policiers. Aux autres associations, j’ai envie de dire, n’hésitez pas! N’hésitez pas à venir toquer à la porte des zones de police et à présenter ce que vous faites. Souvent, si des collègues paraissent froids ou distants, c'est parce qu’ils ne savent pas quoi faire ou avec qui aborder un sujet qui les met parfois mal à l'aise. Dans ma zone, nous avons fait venir l’ASBL Le Refuge pour expliquer qu’il existait un lieu pour les jeunes qui sont mis hors de chez eux, nous avons présenté la fondation Jarfi. Avec la référente discrimination, nous essayons de conscientiser un maximum nos collègues. Mais je reconnais que ce n’est pas le cas dans toutes les zones de police et que ce n’est pas toujours facile. Donc oui, mon conseil serait de ne pas hésiter à vous présenter.
J’ai toujours eu pour principe que ce qui se passe au bureau reste au bureau et ce qui se passe à la maison reste à la maison.
Mais il est vrai qu’au début de mon coming out ça n’a pas toujours été facile. Le privé empiétait sur le professionnel et j’avais du mal à gérer ma nouvelle vie. Heureusement, dans mon bureau, j'ai vraiment des collègues en or qui m'ont soutenu. Au quotidien, avec le temps, je me rends compte que je deviens un peu plus « militant ». Cette année, pour le 17 mai, j’ai pris des pins pour le personnel de ma zone et la DRH va les distribuer. J’essaie de conscientiser mes collègues au fait qu’être LGBTQIA+ en 2024, c'est certes plus simple qu’en 1984, mais ça n’implique pas qu’il n’y ait plus de soucis. Que dans certains pays, on pourrait me tuer pour ce que je suis. Que les agressions homophobes existent toujours et que ce n’est pas toujours aisé de venir déposer plainte. Bref, à ma manière, j'essaie d’apporter ma petite pierre et d’être un relais auprès de mes collègues. Sur le plan privé, avec mon compagnon, nous faisons partie de l’ASBL Entre Gay Belgique. Tous les mois, nous avons une activité de groupe (ballade, Disney, soirée blind test, la pride…) ce qui nous a permis de nous faire des amis et d’avoir une vie sociale bien remplie. Le lundi matin, autour de la machine à café avec mes collègues, nous parlons de notre weekend comme n’importe qui, sauf que, comme je dis souvent, mes weekends sont un peu plus gays que les leurs. En fait, nous avons une vie tout ce qu’il y a de plus normal et de plus banal.
