8 mars : “Un féminisme sans exclusions : intersectionnalité et résistances”

En tant que fédération LGBTQIA+, nous savons que la défense des droits de nos communautés ne peut se concevoir qu’en prêtant une attention particulière aux luttes féministes et en adoptant une approche résolument intersectionnelle. Cette grille de lecture prend en effet en compte l’ensemble des oppressions qui se recoupent et s’amplifient mutuellement – notamment le sexisme, le racisme, les LGBTQIA+phobies, le validisme et le classisme. À cet égard, la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes est un moment essentiel pour rappeler que nos combats ne peuvent se mener de façon isolée, et que l’égalité nécessite avant tout équité et solidarité.

L’institutionnalisation de cette journée trouve ses racines dans les luttes ouvrières et féministes du début du vingtième siècle. Les premières mobilisations, notamment portées par des femmes socialistes, mettaient en avant l’amélioration des conditions de travail et le droit de vote. Officiellement reconnue par l’ONU en 1977, la Journée du 8 mars est devenue, au fil des décennies, un symbole de la détermination des femmes à faire entendre leur voix et à revendiquer leurs droits. C’est un repère historique pour mesurer le chemin parcouru (droits civiques, accès à l’éducation, maîtrise de son corps, contraception, IVG, etc.) et pour rappeler que tout acquis demeure fragile.

De fait, l’actualité nous démontre chaque jour à quel point ces avancées restent précaires. Plusieurs gouvernements d’extrême droite à travers le monde ont porté atteinte, ou menacent de porter atteinte, aux droits fondamentaux des femmes et des personnes LGBTQIA+. Par exemple, la Pologne a quasiment interdit l’avortement en 2020, restreignant de fait la liberté de choix reproductive (Human Rights Watch, 2020). Dans certains États américains, l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade a ouvert la voie à des lois très restrictives en matière d’accès à l’IVG, notamment favorisées par la nomination de juges ultraconservateurs sous la présidence de Donald Trump (ACLU, 2021). Par ailleurs, depuis le rachat de Twitter (X) par Elon Musk, plusieurs organisations de défense des droits humains dénoncent une hausse des propos haineux ciblant notamment les femmes trans (Media Matters, 2022). En Italie, l’arrivée au pouvoir d’une coalition d’extrême droite en 2022 a remis en cause les protections accordées aux personnes LGBTQIA+ et fait craindre un recul des droits reproductifs (Euronews, 2022). Plus récemment, certaines municipalités italiennes ont révoqué la filiation reconnue aux mères lesbiennes non gestatrices, entraînant de facto une « déchéance de maternité » (BBC, 2023). En France, la progression des partis d’extrême droite renforce la crainte d’un durcissement des politiques migratoires et d’un climat de défiance envers les minorités sexuelles et de genre (Le Monde, 2022). En Allemagne, la montée en puissance du parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) s’accompagne de positions hostiles à l’autodétermination de genre et de discours stigmatisants à l’égard des femmes trans (Amnesty International, 2019). Ces menaces se rapprochent ainsi tant géographiquement qu’idéologiquement, les échanges transatlantiques rendant possible une diffusion rapide des idées conservatrices dans l’ensemble du monde occidental (The Conversation, 2021).

Ces attaques vont de pair avec une banalisation des propos réactionnaires et une légitimation des violences contre les minorités, qu’elles soient de genre, d’orientation sexuelle ou d’origine ethnique. Les femmes, cisgenres comme transgenres, se retrouvent particulièrement exposées : leurs droits durement conquis sont remis en cause, et la violence visant celles qui se mobilisent pour leur reconnaissance s’intensifie. Dans ce contexte, il est crucial de réaffirmer que les femmes trans doivent être pleinement incluses dans les luttes féministes, d’autant que les mouvements TERF (Trans-Exclusionary Radical Feminists), souvent soutenus par ou alliés à des partis d’extrême droite, cherchent à les en exclure. Cette exclusion fragilise l’ensemble du mouvement pour l’égalité et divise les forces qui devraient au contraire s’unir pour défendre nos droits fondamentaux.  

Ainsi, le 8 mars nous offre l’opportunité de réaffirmer que la lutte féministe, dans sa dimension intersectionnelle, transcende les frontières, les classes sociales et les particularismes culturels. Elle concerne l’humanité tout entière et se doit d’inclure toutes les personnes dont l’égalité des droits n’est pas encore garantie. Les victoires obtenues ne doivent pas masquer l’ampleur des batailles à venir : la vigilance, la solidarité et la détermination sont essentielles pour préserver ces acquis et continuer à faire progresser la justice sociale.

En cette Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, Prisme réaffirme son engagement à faire progresser l’égalité de droits et à maintenir les avancées sociales durement acquises. Nous rappelons également le travail colossal des associations de première ligne pour offrir aux personnes discriminées un espace sécurisé au sein d’un environnement qui demeure hostile envers bon nombre de minorités. Nous constatons chaque jour avec effroi à quel point leur travail et le nôtre se trouvent entravés à mesure que les mouvements conservateurs gagnent du terrain. Nous gardons cependant espoir car nous croyons fermement qu’en unissant nos forces, il est possible de transformer la société et de garantir à chacun·e la reconnaissance, la protection et la dignité qui leur reviennent de droit. Puisse ce 8 mars être l’occasion pour toustes de prendre conscience de nos privilèges, de remettre en question nos pratiques, d’élargir notre perspective et de prendre la mesure de l’importance de l’inclusivité dans la construction d’un futur plus juste.

Sources

ACLU. (2021). Post-Roe scenario planning.
Site officiel de l’ACLU : https://www.aclu.org

Amnesty International. (2019). Germany 2019 report.
Site officiel d’Amnesty International : https://www.amnesty.org/en/location/europe-and-central-asia/germany/

BBC News. (2023, 15 mars). Italy ends recognition of children of same-sex parents.
https://www.bbc.com/news/world-europe-64967517

Euronews. (2022, 27 septembre). Will Giorgia Meloni’s far-right victory threaten abortion rights in Italy?
https://www.euronews.com/2022/09/27/italy-election-fears-of-attacks-on-abortion-rights-after-giorgia-melonis-win

Human Rights Watch. (2020, 22 octobre). Poland: Court ruling a devastating rollback for abortion rights [Communiqué de presse].
https://www.hrw.org/news/2020/10/22/poland-court-ruling-devastating-rollback-abortion-rights

Le Monde. (2022, 21 mars). Présidentielle 2022 : ce que disent les programmes des candidats sur les droits des femmes.
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/21/presidentielle-2022-ce-que-disent-les-programmes-des-candidats-sur-les-droits-des-femmes_6118371_4355770.html

Media Matters for America. (2022). Surge in hateful content following Musk’s Twitter takeover.
https://www.mediamatters.org

The Conversation. (2021, 11 juin). Culture wars in the US are seeping into Europe – and France is starting to see the effects.
https://theconversation.com/culture-wars-in-the-us-are-seeping-into-europe-and-france-is-starting-to-see-the-effects-164367

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