Zoé Genot, Députée fédérale Ecolo, a interrogé le Ministre de la Justice sur la réalité de l'adoption par les couples de même sexe. Elle nous a communiqué les réponses reçues qui ne manquent pas d'intérêt.
Question de Zoé Genot (posée le 15 janvier 2009)
Le législateur a souhaité permettre aux personnes de même sexe d'adopter des enfants. Depuis que cette législation est entrée en vigueur, pourriez-vous communiquer:
Réponse de Stefaan De Clerck, Ministre de la Justice (donnée le 12 mai 2009)L'Autorité centrale fédérale reçoit, conformément au Code civil et au Code judiciaire toutes les transcriptions de jugements belges relatifs à des adoptions ainsi que la transcription de jugements ou de décisions d'adoptions étrangères reconnus. La réponse aux questions posées est basée sur les chiffres de l'Autorité centrale fédérale et comporte certainement une marge d'erreur car toutes les communes ne communiquent pas systématiquement et sans délai les transcriptions effectuées.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 18 mai 2006 modifiant certaines dispositions du Code civil en vue de permettre l'adoption par des personnes de même sexe, l'Autorité centrale fédérale n'a reçu aucune transcription de jugement d'adoption prononcée par le juge belge en faveur d'un couple de même sexe.
D'après les chiffres de la Communauté flamande, il semble pourtant qu'en 2006, il y ait eu trois adoptions réalisées par un couple de même sexe et qu'en 2007, il y en ait eu deux. Pour 2008, il n'y a pas eu d'enfant placé auprès d'un couple de même sexe. Du côté francophone, une seule procédure d'adoption est actuellement en cours. Elle est actuellement au stade du prononcé de l'adoption par le Tribunal de la Jeunesse. Au niveau de la Communauté Flamande, il est à signaler qu'au niveau de la préparation, dix-neuf couples de même sexe se sont inscrits à la préparation : soit trois couples de femmes et seize couples d'hommes. Sur le plan international, l'Autorité centrale fédérale a reconnu une adoption interne intrafamiliale prononcée aux Pays-Bas au profit de la cohabitante légale de la mère biologique de l'enfant. Par ailleurs, il y a lieu de mentionner que l'Autorité Centrale Fédérale a également reconnu une décision d'adoption interne rendue en Afrique du Sud concernant un couple d'hommes y résidant.
En février 2008, l'Autorité centrale fédérale avait reçu septante-trois transcriptions d'adoptions d'enfants prononcées par le juge belge en faveur du conjoint ou cohabitant légal de même sexe. Il s'agit dans la toute grande majorité des cas de couples de femmes, où l'une adopte les enfants biologiques de l'autre. Toutefois, pour l'une de ces adoptions, il s'agit d'un couple d'hommes où le mari a adopté l'enfant de son partenaire. Dans trente et un cas, il s'agit de couples mariés, dans dix-sept cas de cohabitants légaux et dans les autres cas, on ne sait pas le déterminer. Ces chiffres sont à prendre avec réserve car les transcriptions ne mentionnent jamais la cohabitation de fait avec une personne de même sexe. Donc parmi les transcriptions d'adoption réalisée par une personne célibataire, il y en a certainement qui vivent dans les faits avec une personne de même sexe. Par ailleurs, les chiffres des personnes inscrites en préparation à l'adoption auprès des Communautés laissent penser qu'un grand nombre d'adoptions intrafamiliales par des personnes de même sexe seront réalisées dans les prochains mois. En 2006, il y avait 306 couples de même sexe inscrits auprès de Kind en Gezin. En 2007, ce chiffre était de 213. Pour 2008, les chiffres sont de deux cent huit couples. Soit trois couples d'hommes et deux cent cinq couples de femmes. Du côté francophone, il y a également une quinzaine de personnes inscrites en préparation pour adopter l'enfant de leur conjoint ou cohabitant de même sexe.
Tout d'abord, nous sommes grés à la Députée Zoé Genot de son suivi attentif de la loi ouvrant l'adoption aux couples de même sexe. Ses questions très précises permettent enfin de dépasser les données brutes et imprécises publiées jusqu'ici à ce sujet.
Même s'il n'est pas rare que le temps de réponse à une question parlementaire soit très long (dans ce cas ci, 4 mois!), ce délai, mais aussi le contenu même des réponses, montrent que dans notre pays la récolte des statistiques n'est pas un souci majeur.
La réponse du Ministre confirme que l'adoption internationale par des couples homoparentaux reste extrêmement difficile. Pour autant elle n'est pas impossible puisque 5 enfants ont été adoptés par cette voie en Flandre et que 19 couples y sont actuellement en phase préparatoire. Pourquoi dès lors n'y a-t-il en Communauté française aucune adoption à mettre au bénéfice des organismes agréés d'adoption ?
Le Ministre laisse également entendre qu'il est fort probable que des couples gays ou lesbiens adoptent en cachant leur relation. L'un des partenaires adopte en tant que célibataire. C'est l'un des effets pervers de la loi : vu la difficulté de l'adoption internationale en couple, ceux désirant y arriver tombent dans une certaine forme de clandestinité. Car pour pouvoir adopter en tant que célibataire, il faut renoncer tant à la cohabitation légale qu'au mariage. Etrange et désolant aboutissement au moment où l'on désire fonder une famille.
Dernier constat, le fossé abyssal entre Flandre et Communauté française en matière de préparation à l'adoption intrafamiliales : entre 250 et 300 couple par an en Flandre, à peine 15 chez nous. Cette différence est interpellante. Il n'y a pas d'explication simple à cette situation.