Tout récit historique des progrès sociaux devient creux s'il ne tient pas compte des revers et des périodes difficiles. Après une décennie de libération sexuelle, la communauté LGBTI+ essuie le coup le plus dur des cinquante dernières années. Au début des années 1980, des hommes gays et bisexuels, principalement dans les grandes villes américaines, commençaient à périr de façon inexplicable.
Les scientifiques n'allaient pas tarder à découvrir un virus (VIH) principalement transmis par les relations sexuelles. Le virus s'en prend au système immunitaire, ce qui provoque dans pratiquement tous les cas un ensemble d'affections reprises sous le nom de SIDA. Au début, la plupart des personnes contractant le VIH mouraient, d'abord rapidement, et ensuite au terme d'un processus plus long.
Vu que les décès touchaient principalement la communauté homosexuelle et résultaient de relations sexuelles, les dirigeants politiques ont tardé à réagir. Le président américain, Ronald Reagan, et la Première ministre britannique, Margaret Thatcher, étaient des conservateurs endurcis qui préféraient le silence ou la stigmatisation homophobe. Voilà pourquoi la communauté LGBTI+ a dû faire front pour organiser des soins de santé de base, sensibiliser, exiger que les médecins, les firmes pharmaceutiques et les politicien·ne·s agissent, et mener des campagnes de santé sexuelle. Des organisations militantes ont été créées à l'aide de nombreuses militantes lesbiennes (le mouvement queer a en grande partie émergé de cet épisode). La gravité de la crise était oppressante jusqu'à ce qu'un nouveau traitement médical apparaisse au milieu des années 1990 et accroisse les chances de survie. Depuis, cependant, le VIH s'est propagé sur les autres continents pour se muter en pandémie mondiale qui touche également les femmes et les personnes de couleur.
En dépit des progrès récents, le combat est encore loin d'être terminé et selon les estimations, 35 millions de personnes sont décédées à cause du SIDA. Même dans les communautés LGBTI+ occidentales, être séropositif est toujours synonyme de stigmatisation et le mouvement LGBTI+ est en proie à une amnésie progressive sur les années les plus sombres de la crise du SIDA.