Le 11 octobre, nous célébrons fièrement la journée mondiale du coming-out! Moment important et presqu'inévitable pour nombreux·ses d'entre nous, il peut également être extrêmement compliqué voire impossible pour de nombreuses autres personnes LGBTQIA+.
Pensée particulière aujourd'hui pour toutes ces personnes qui ne peuvent (ou ne veulent) pas faire leur coming out pour diverses raisons. Nous pensons à vous, vous n'êtes pas seul-e-s!
Un jour, peut-être, la notion de coming-out sera obsolète et nous pourrons chacun-e être qui l'on est sans devoir le partager à la terre entière...
Nous avons eu le plaisir de discuter avec Zoro, qui a accepté de répondre à nos questions.
Comment as-tu fait ton coming out ? Dans quel contexte l’as-tu fait ? Etait-il préparé ? T’a-t-on outé ? Etait-il forcé ?
Comme la plupart des personnes queer, je n'ai pas fait un, mais "des" coming-out : à moi-même (coming in), à mes proches, à ma famille, au travail, à des professionnel·le·s de santé, ... Un coming-out en tant que personne non-binaire, cela fait potentiellement partie de chaque interaction que l'on a avec une nouvelle personne, et cela peut parfois être très lourd à porter.
J'ai toujours eu la chance de pouvoir choisir à qui et quand je faisais mon coming-out, ce qui est un privilège énorme.
Mes coming-outs les plus "traditionnels" ont été ceux vis-à-vis de ma famille. Pour mon coming-out à mes parents, j'avais préparé un texte, que j'ai même répété avec ma psy avant de les voir. Mes parents étaient un peu choqués par l'annonce, et ne comprennent pas bien le concept de non-binarité, mais ils me soutiennent et font de leur mieux. Je leur avais donné la permission d'annoncer la "nouvelle" à la famille éloignée, et dans les semaines qui ont suivi, j'ai reçu plein de messages de soutien et d'amour, ça m'a vraiment réchauffé le cœur !
Mon premier coming-out en tant que personne non-binaire, c'était sur Twitter le soir du réveillon 2019, alors que j'étais en vacances à Tokyo. C'était, en quelques mots, "Happy New Year from Japan! I'm non-binary! Pronouns are in bio 🙂". À l'époque, je pensais que cela suffirait pour le reste de ma vie…
Les meilleures réactions sont évidemment venues de mes ami·e·s trans et non-binaires. Le premier ami à qui j'ai vaguement suggéré l'idée que je n'étais pas cisgenre a réagi de manière très posée et a tout de suite adapté les pronoms qu'il utilisait pour moi. C'était la première fois que quelqu'un faisait cela pour moi, et j'en ai eu les larmes aux yeux. Cela a marqué un tournant dans mon acceptation de moi-même et m'a permis d'avoir le courage d'aller plus loin dans l'exploration de mon identité.
Dans les meilleures réactions, il y a aussi eu quelques "presque" inconnus, comme ma conseillère emploi, qui s'est montrée extrêmement bienveillante et a tout de suite adapté son langage et son approche, ou des professionnel·le·s de santé qui, une fois informé·e·s, ont adapté leur approche thérapeutique à ma réalité, sans jugement. Pour moi, ce sont ces personnes-là qui font aussi la différence et me permettent de vivre avec un certain espoir pour l'avenir, dans lequel chaque nouvelle interaction ne serait pas un calcul interne pour déterminer comment un coming-out sera reçu et si cela "en vaut vraiment la peine".
J'ai énormément de chance, je n'ai pas connu de rejet direct suite à un coming out. Il est arrivé que des personnes soient un peu choquées, et très souvent assez ignorantes sur les identités non-binaires, mais toutes les personnes avec qui j'ai interagi ont choisi de me montrer du bon vouloir.
Le "problème" principal a été de traduire les bonnes intentions de certaines personnes dans leurs actions. Cela veut dire avoir de multiples conversations avec des personnes qui "oublient" mon identité ou la transforment en une nouvelle case dans laquelle me ranger. Cela veut dire affirmer mes pronoms, et parfois mettre les gens mal à l'aise en questionnant leur réticence. Et parfois, cela veut dire ne pas courir après les gens qui refusent de comprendre, et les laisser sortir de ma vie.
Au début, j'avais l'impression que cela ne changeait pas grand-chose, mais je me suis rendu compte avec le temps que rester dans le placard, me forcer à me mégenrer au boulot ou avec ma famille, constituait une série de micro-agressions auto-infligées. Ne pas avoir à le faire, c'est m'aimer davantage, me permettre de vivre plus sereinement. Et s'entourer de personnes bienveillantes qui respectent et célèbrent mon identité, c'est la cerise sur le gâteau.
J'aimerais dire que je suis beaucoup plus posé et sûr de moi, mais je suis toujours aussi timide ! Je dirais qu'aujourd'hui, j'ai moins peur des réactions négatives, j'ai moins l'impression que je dois justifier mon identité.
La difficulté d'un coming out trans, et je pense a fortiori non binaire, est que souvent cela doit venir avec énormément d'explications par rapport au prisme du genre, et certaines personnes voient cela comme une bonne opportunité pour un débat. Mon identité n'est pas débattable. Il m'a fallu trouver l'équilibre entre éduquer les personnes et poser mes limites avec les sceptiques et les transphobes.
J'espère qu'on arrivera un jour à une société plus compréhensive des identités non-binaires, où un coming out non-binaire à des personnes cis peut aussi contenir une discussion sur notre vulnérabilité et nos doutes, sans que cela soit utilisé contre nous comme argument qu'on "n'est pas vraiment trans".
J'aurais voulu être mieux préparé et moins naïf par rapport au fait qu'être non-binaire signifie faire des coming out tout le temps, parfois même plusieurs fois avec les mêmes personnes, et qu'après le coming out viennent de multiples conversations sur le respect de mes limites, de mon prénom choisi, de mes pronoms, etc. Mais je ne regrette pas non plus d'avoir fait ces premiers coming out plein d'espoir et d'optimisme. :)
Je dirais aussi à mon moi du passé que c'est OK de ne pas être sûr de tout, tout de suite, que c'est OK de prendre le temps de comprendre, d'explorer son identité, tout en demandant du respect de la part des autres.
Je pense que la plus grande surprise a été qu'il m'était impossible de prédire comment mon coming out allait affecter mes différentes relations. Mon coming out m'a rapproché de certaines personnes et m'en a éloigné d'autres, et je n'aurais jamais pu deviner qui ces personnes allaient être. Pour moi, cela a été une belle leçon : il est important de se protéger et de respecter ses propres limites, mais aussi, parfois, il faut laisser aux gens la possibilité de nous surprendre positivement.