Deux papas pour un enfant.

Nous sommes Nicolas et Alexandre, respectivement Directeur d'école et Médiateur culturel dans une institution muséale. Nicolas a 39 ans et Alexandre 34. Notre fils Mygo, âgé de 4 ans (et demi!), fait partie de notre famille depuis maintenant 2 ans, suite à une procédure en adoption menée en Fédération Wallonie-Bruxelles. Notre parcours pourra être différent de procédures plus actuelles, le cadre ayant évolué depuis.


Un petit bout de nous

Nous nous sommes rencontrés en octobre 2004. Grâce à une amie en commun, nous profitons d'un dîner au restaurant lors de la Nuit des Coteaux pour faire connaissance. Le contact passe plutôt bien durant la soirée et, curieux l'un de l'autre, nous décidons de nous revoir quelques jours plus tard. Cela ne fera que confirmer ce dont nous nous doutons déjà : c'est un coup de cœur réciproque ! Si Nicolas travaille déjà, Alexandre vient d'entamer ses études et il faut attendre quelques années avant d'envisager d'emménager ensemble. Les projets d'avenir s'enchaînent, nous nous marions en 2009 et nous lançons dans les démarches en vue d'une adoption en 2013.

Une procédure en adoption

C'est cette formule qui nous correspond le mieux, davantage qu'envisager une mère porteuse ou la coparentalité. S'engager dans un projet d'adoption n'est pas sans craintes, nous savons que nous nous embarquons dans des démarches longues et fastidieuses et que nous prenons le risque d'essuyer un refus. L'envie et le désir seuls ne suffisent pas, il faut encore passer les différentes étapes qui valideront et confirmeront la viabilité de notre projet. Mais qu'importe, nous croyons en notre couple, nos valeurs et ce que nous pouvons apporter à un enfant.

C'est ainsi que nous nous retrouvons à notre première séance d'information, entourés d'autres candidats adoptants, de tous âges et origines. Nous avons droit à deux séances introductives sur le cadre légal et les modalités pratiques des démarches en interne ainsi qu'à l'international. Cette phase permet aux candidats adoptants d'acquérir une connaissance des droits de l'enfant, de l'éthique en matière d'adoption, du profil des enfants en besoin d'adoption, de la parentalité adoptive et de ses spécificités. Première douche froide : alors qu'une dizaine de pays dans le monde autorise l'adoption par des couples homoparentaux à l'époque, il ne nous est pourtant pas possible de construire un projet depuis la Belgique pour différentes raisons. "Ça aurait été plus facile que vous ne soyez pas mariés" nous explique l'intervenant…  mais nous le sommes… et c'est un peu découragés que nous ressortons de cette première séance. Nous pensions avoir plus de possibilités mais nous sommes pourtant amenés à nous tourner uniquement vers une procédure en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Suite à ces deux premières séances, nous rencontrons d'autres couples lors de plusieurs sensibilisations collectives. On y continue la découverte d'autres parcours, via le partage avec des professionnels de la relation enfants/parents, des mises en situations nous permettant de formuler nos propres représentations, des reportages sur certaines questions et problématiques… le tout permettant de nous projeter plus concrètement dans ce projet. Nous en ressortons plus confiants, après la rencontre de personnes attachantes vivant les mêmes doutes et questionnements que les nôtres. Nous avons ressenti beaucoup de bienveillance de la part du personnel encadrant.



Pour et contre

Suite à ces séances collectives, nous avons la possibilité d'entreprendre une série d'entretiens avec un organisme agréé de notre choix. Celui sur lequel notre choix se porte concerne des enfants plus âgés et parfois porteurs de handicap. C'est une facette du projet qui nous questionne et nous souhaitons l'envisager directement avec l'association afin de peut-être entamer ce projet.

Cependant, le jour de notre rendez-vous, lorsque nous nous présentons à la porte du bâtiment, la dame qui nous ouvre nous dévisage, nous demandant ce que nous faisons là. Nous expliquons que nous avons rendez-vous avec le directeur mais elle continue de nous dévisager et nous répond, finalement que ce n'est pas possible : "non, pas des gens comme vous". Et elle nous ferme la porte au nez. "Vous avez dû faire erreur". On se retrouve tous les deux choqués et incapables de réellement réagir. Quand on s'apprête à faire demi-tour, la porte s'ouvre sur une autre dame qui visiblement a entendu le petit échange que nous venons d'avoir et nous propose de la suivre.

C'est ainsi que nous nous retrouvons dans les locaux d'un autre organisme. Lui travaille à l'international. Malgré le fait qu'il ne soit pas possible d'entamer un projet avec, nous pouvons faire les entretiens psychologiques avec l'équipe. Nous le souhaitons, le contact passe très bien. Nous prenons le temps d'échanger sur ce qui vient de se passer, elles nous accompagnent et nous parlent, nous rassurent. La décision est prise rapidement, comme quoi une mauvaise aventure peut déboucher sur une très belle rencontre.

Suite à ces différentes étapes, nous sommes maintenant en mesure d'obtenir un certificat attestant du bon suivi des démarches et nous permettant maintenant d'envoyer un courrier au début de chaque mois aux organismes avec lesquels nous espérons obtenir la validation de nos projets et entamer véritablement un processus d'adoption.

Nous allons rédiger ce courrier pendant de longs mois. 5 mois…  1 an avec son lot de déceptions, de n'avoir aucun retour positif. Chaque mois, un nouveau questionnement surgit, savoir si un jour ça débouchera sur quelque chose. Jusqu'à ce moment fatidique où nous atteignons le 18e mois, date de péremption du certificat. Nous sommes ainsi amenés à devoir relancer des démarches. Visiblement, des échos que nous avons eus, c'est peu arrivé mais l'engorgement est fort à cette période et les possibilités d'adoption sont limitées. L'autorité centrale nous recontacte au moment de relancer les procédures afin d'avoir une étape aménagée et plus rapide. Cela repasse par une séance d'information et quelques séances de sensibilisation en couple. Nous avons la chance de retrouver l'une des intervenants que nous avions eu pendant les premières séances collectives. Cela se passe fort bien à nouveau, nous nous sentons en confiance, respectés et entendus. Suite à cette procédure accélérée, nous rentamons le principe des courriers une fois par mois. Enfin, au bout de 5 mois, nous avons une réponse positive par ONE adoption. Nous sommes en juin 2016.

C'est ainsi que commence le véritable processus d'adoption, pendant lequel nous allons régulièrement à ONE adoption afin de procéder à des entretiens avec une psychologue, une assistante sociale, seul ou à deux. C'est en fait un approfondissement de ce que nous avons déjà réalisé lors des entretiens individuels et des sensibilisations collectives. Cela nous permet en fait d'approfondir et de préciser notre projet. Nous n'avons pas le même ressenti au cours de ces entretiens, Nicolas est beaucoup plus serein tandis qu'Alexandre a l'impression de devoir prouver quelque chose, de devoir cocher les bonnes cases pour répondre aux attentes. La pression est forte et le moral n'est pas toujours au beau fixe. C'est la période la plus tendue entre nous deux. Ces quelques entretiens cristallisent toutes les faiblesses d'Alexandre. Mais même si c'est difficile, nous allons au bout des 9 différents entretiens (avec une visite à domicile et une visite chez le médecin).

Le 25 octobre 2016, nous recevons un courrier : nous sommes acceptés! Nous entrons sur liste d'attente. Ce moment tant attendu qui nous semblait tellement inaccessible au vu de la pression des différents derniers rendez-vous… Mais c'est un tel soulagement ! Nous sommes tellement heureux. A un moment donné, un jour dans peut-être 2 mois, 6 mois ou 1 an, peut-être plus, nous serons papas. C'est enfin un mot que nous allons entendre.

Nous restons 23 mois sur liste d'attente. Impatients, c'est aussi difficile d'avoir l'impression, après tous ces rendez-vous et ces entretiens, qu'il ne se passe rien… la peur qu'on nous oublie. ONE adoption propose régulièrement des groupes de parole thématiques qui nous permettent d'entrevoir d'autres couples également sur liste d'attente. Cela nous donne l'occasion de parler entre nous autour de ce projet, d'échanger mais surtout de maintenir un contact, un rythme. Finalement, pour nous donner l'impression de vivre quelque chose même si cela semble loin et inaccessible.

On nous appelle le 1er octobre 2018. On nous demande de nous présenter à Bruxelles deux jours plus tard afin de nous présenter, verbalement d'abord, l'enfant qui sera le nôtre. C'est ainsi que nerveux comme jamais, nous atteignons les bureaux centraux afin d'avoir quelques informations. Notre fils s'appelle Mygo. Il a 2 ans et 2 mois. Il aime les fleurs et les voitures, a les cheveux crépus et "des joues à bisous". C'est avec ces quelques informations que nous rentrons à la maison, heureux et comblés! Nous sommes tellement enthousiastes à l'idée d'enfin le rencontrer, d'enfin pouvoir mettre un nom sur notre enfant!

Nous décidons de garder son prénom d'origine. Parce que nous l'avons trouvé doux, parce qu'il fait partie de son histoire. Le prénom qu'on envisageait pour un enfant peut-être plus jeune devient son second. Nous téléphonons à tous les membres de notre famille le temps du retour et le reste du jour pour présenter, expliquer, parler, partager et être heureux ensemble. Beaucoup d'émotions nous traversent et la joie est à son comble.



15 jours

C'est le temps que nous devons attendre avant de le rencontrer physiquement à la pouponnière dans laquelle il a grandi. 15 jours pendant lesquels nous échangeons quelques informations pour prévoir une chambre adaptée à ses besoins, prévoir des vêtements… Nous lui envoyons également des photos de la maison, de sa chambre, de nous.

Nous nous rencontrons enfin le 17 octobre. Après une petite demi-heure un peu timide, le premier contact physique se fait : il vient dans nos bras! A ce moment-là, il y a un déclencheur. Tout se passe bien, très vite et semble naturel. C'est une évidence pour tout le monde. Nous sommes déjà une famille! Durant les quelques jours suivants, nous faisons des demi-journées puis des journées complètes ensemble à la pouponnière, nous permettant progressivement de prendre connaissance des habitudes de l'un et de l'autre en découvrant les environs. Jusqu'au jour où une première visite à la maison est envisagée. Il trouve ses repères assez rapidement, ce qui encourage les équipes à accélérer les procédures permettant à Mygo de venir vivre complètement et définitivement à la maison.

Nous sommes alors le 29 octobre, date à laquelle il rentre définitivement à la maison. Depuis, nous avons encore eu quelques contacts avec l'organisme d'adoption: d'abord, une fois après un mois, afin de s'assurer que tout se passait bien, et puis 6 mois plus tard, afin de prendre connaissance de notre rythme et équilibre trouvés. Pendant cette période, nous avons également entamé les démarches afin que l'adoption plénière soit officialisée par le tribunal de la famille. Il faudra en tout 1 an pour avoir enfin cette décision validée et que notre fils porte notre nom.

Cela fait maintenant 2 ans que notre fils fait partie de nos vies, comme s'il avait toujours été là. Nous avons beaucoup appris de cette procédure, de cet accompagnement et de ce cheminement. Sur nous, sur nos besoins et ceux de notre fils. Même si ça a parfois semblé difficile, long ou hasardeux, cela nous a permis de construire la famille que nous sommes et le bonheur que nous avons.

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