Filiation des couples lesbiens : un avocat répond à nos questions

La loi ouvrant la filiation aux couples de femmes a été adoptée. Arc-en-Ciel Wallonie a interrogé Didier Pire, avocat au barreau de Liège spécialiste du droit de la famille, sur les opportunités qu’ouvrait cette nouvelle législation.

La loi ouvrant la filiation a été adoptée en séance plénière de la chambre mercredi dernier, qu’est-ce que ça vous inspire ?

Didier Pire : ce qui est remarquable, c’est qu’une telle législation ait été adoptée sans aucun remous, aucune manifestation. Ça donnera peut-être un cheveu blanc à l’un ou l’autre, mais globalement, on est très loin du contexte français.

Cette loi lève-t-elle vraiment une discrimination ?

Didier Pire : le texte prévoit d’aligner la situation des couples de femmes sur celle des couples hétérosexuels. Si deux femmes sont mariées et que l’une d’entre elle a un enfant, son épouse sera présumée être la mère de l’enfant automatiquement. Si les deux femmes ne sont pas mariée, la co-parente, c’est comme ça qu’on appelle la mère non-biologique dans la nouvelle loi, la co-parente pourra reconnaître l’enfant, peu importe que celui-ci soit le fruit d’une procréation médicalement assistée (PMA) avec donneur anonyme ou que l’enfant ait été conçu en dehors du cadre médical.

Il n’y aura donc plus aucune distinction entre un couple de femmes et un couple hétérosexuel par rapport à l’accès à la parentalité ?

Didier Pire : là où le texte est original c’est dans les voies de contestation possibles. Non seulement l’enfant (âgé de 12 ans), la mère biologique, le donneur de sperme (s'il est connu), mais également une autre femme pourra contester le lien de filiation. Si l’enfant est le fruit d’une PMA, c’est la convention signée avec le centre de fertilité qui sera la référence. Cette convention jouera le rôle que le test ADN joue lors de la contestation d’une filiation dans un couple hétérosexuel.

Et si l’enfant n’est pas le fruit d’une PMA ?

Didier Pire : dans ce cas, si les femmes sont mariées, on n’imagine pas une femme extérieure au couple venir contester un lien de filiation établi dans le mariage. C’est une situation assez improbable. Si les femmes ne sont pas mariées, n’importe quelle femme pourra reconnaître l’enfant, c’est un peu plus risqué.

Le gouvernement a donc éliminé les inégalités entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels par rapport à la filiation ?

Didier Pire : il reste la question des couples d’hommes que le législateur n’a pas tranchée. C’est la question de la gestation pour autrui (GPA) qui a été évacuée. L’encadrement légal de la GPA est prévu dans le programme du parti socialiste, par contre les sociaux-chrétiens prévoient son interdiction pure et simple.

La question de la GPA va probablement se poser lors de la prochaine législature. Pour ce qui concerne la loi actuelle, est-ce que les communes seront prêtes à intégrer cette nouvelle législation ?

Didier Pire : elles ont un peu plus de six mois pour se préparer.

La filiation est un sujet complexe tout de même…

Didier Pire : si vous le souhaitez, on peut organiser une conférence sur ce sujet à la Maison Arc-en-Ciel de Liège un de ces jours.

C’est une excellente idée. Une de nos associations membres pourrait d’ailleurs être intéressée de l’organiser avec vous.


Affaire à suivre donc.


Lien vers le texte de loi.

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