Homosexualité vs Religions ?

En novembre 2015, la Fondation Ihsane Jarfi organisait une conférence ayant pour titre « Homosexualité et religions monothéistes : points de vue inconciliables ? ».

Le panel d’intervenants était prometteur :

  • Ludovic-Mohammed ZAHED – Culte musulman
  • Éric DE BEUKELAER – Culte catholique
  • Marc NEIGER – Culte israélite
  • Christophe D’ALOISIO – Culte orthodoxe
  • François THOLLON-CHOQUET – Culte protestant
  • Robert MOOR – Centre d’Action Laïque Province de Liège
  • Édouard DELRUELLE, Professeur de philosophie politique à l’ULg

Et pour modérer la conférence, Robert Neys, journaliste indépendant, était tout désigné.

Petit retour sur cette soirée ô combien intéressante même s’il y avait à boire et à manger...

Il est important de spécifier tout d’abord que les intervenants parlaient en leur nom propre et qu’ils étaient tous pro-homos. Certains l’étaient d’ailleurs eux-mêmes. Le débat risquait donc d’être assez consensuel.

Ensuite, nous tenons à mettre en exergue le fait que le panel était exclusivement composé d’hommes. Cela peut en partie se comprendre car dans les cultes musulmans, catholiques et orthodoxes, les femmes n’ont pas le droit d’accéder à un poste de représentant religieux[1]. Les juifs libéraux et les protestants permettent par contre aux femmes d’accéder au poste de rabbin (depuis 1922) et de pasteur (depuis 1930). Et pour représenter le CAL, modérer une conférence ou philosopher, les femmes ne sont pas en reste. Dommage, donc.

Attardons-nous cependant sur le contenu de leurs interventions.

Tous les intervenants s’accordent sur un point : ils réprouvent que leur religion stigmatise l’homosexualité ou plus précisément l’acte homosexuel. Et, au sein de leurs communautés respectives, ils s’emploient à combattre l’intolérance et prônent une égalité pour tous et toutes (pas uniquement les LGBT). Ils ne sont pas pour autant prêts à faire fi des textes anciens, ni, surtout, à en envisager la réécriture. Celle-ci permettrait pourtant de diminuer drastiquement la stigmatisation des gays (et des femmes, faut-il le préciser). Ils exhortent davantage les membres de leur communauté à lire les textes anciens avec un œil critique et moderne. Cela reste donc du cas par cas : une communauté, une paroisse, sera plus ouverte que celle d’à côté. Mais la tendance générale ne change pas.

«  Malgré l’ouverture manifeste des personnes présentes, le discours officiel est tout autre. Le combat de la lutte contre l’homophobie n’est pas encore gagné. » Robert MOOR

Si l’on s’interroge sur les origines de cette homophobie religieuse, on peut bien sûr citer Sodome et Gomorrhe (Genèse) et le Lévitique (chapitre 18 verset 22). C’est dans ce dernier que l’on trouve la première prise de position religieuse par rapport à l’homosexualité « tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination. » Le Lévitique a été écrit durant le 5e siècle avant JC. La Genèse entre le 8e et le 2e siècle avant JC. Et nous voilà en 2015 à lutter encore et toujours contre une homophobie religieuse qui prend sa source dans une histoire de viols sur les voyageurs qui passaient par Sodome.

« Le seul langage commun entre les croyants et les non-croyants et la raison et la loi. »Éric DE BEUKELAER

Un second consensus est établi entre les différents intervenants : la religion doit être une philosophie de vie, mais pas une loi. La religion doit permettre aux croyants de s’épanouir dans leur foi mais ne peut pas être un frein à la liberté des personnes, certainement pas si ces libertés sont des droits acquis légalement. Les pays qui condamnent l’homosexualité ne peuvent dès lors le faire au nom de la religion, quelle qu’elle soit.

« L’homophobie perdurera tant que l’hétéronormativité sera présente. Or les religions restent fondamentalement et historiquement hétéronormatives. » Edouard DELRUELLE

La réponse à la question de base : « Homosexualité et religions monothéistes : points de vue inconciliables ? » est donc donnée : oui, la conciliation est possible. Mais elle reste à petite échelle. Elle reste au cas par cas. Si l’on peut se féliciter qu’il soit possible de vivre sa foi et son homosexualité conjointement dans certaines communautés, il n’en reste pas moins que, dans la plupart des cas, la personne se trouvera face à une farouche désapprobation, voire une franche condamnation.

On espère que ces groupuscules religieux ouverts à la diversité feront des petits et qu’à terme, l’homosexualité ne sera plus décriée par les religions. Mais si possible, nous aimerions ne pas avoir à attendre encore 2000 ans !

[1] Sara Hurwitz, ordonnée femme rabbin en 2009 n’est pas reconnue comme telle par l’ensemble de la communauté orthodoxe.

Retour