Mercredi dernier, Jonas Van Acker s'est vu remettre le Prix François Delor 2014-2015 pour son mémoire intitulé : Je suis un homosexuel "respectable". Étude d'une association homophile "tardive" : l'ADEHO (1972-1987). Après la cérémonie, nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec lui. Voici une retranscription de cet échange.
J’ai consacré mon mémoire de fin de Master en Histoire à l’étude d’une association homophile : l’ADEHO (Association d’Entraide pour la Défense des Homophiles). Celle-ci est fondée par un Josy Florek, en 1972 et est dissoute en 1987.
Cette association revendique son caractère homophile. Presque tombé en désuétude, « homophilie » est un terme qu’ont employé de nombreuses associations homosexuelles. Par ce terme, à une époque où l’homosexualité était encore mal considérée, celles-ci souhaitaient mettre l’emphase sur les relations affectives, sociales et montrer que les homosexuels étaient des individus respectables qui n’étaient pas uniquement livrés à leurs pulsions sexuelles.
Aujourd’hui, l’historiographie s’arrête souvent à la période des années 50 et 60 pour présenter la période des associations homophiles, associations que l’on qualifie généralement de pionnières, d’avant-gardistes avant l’arrivée des mouvements libérationnistes et libertaires au moment de la révolution sexuelle des années 70. Or, chronologiquement, l’ADEHO voit le jour beaucoup plus tardivement, au moment où l’homophilie connaitrait de manière globale un véritable déclin. Elle subsiste encore bien après les associations libérationnistes et libertaires. Celle-ci est donc en porte-à-faux du modèle historiographique tutélaire. L’objectif de ce mémoire était donc de comprendre pourquoi et en quoi l’ADEHO a constitué une association homophile tardive. Il s’agissait également de cerner son positionnement idéologique et son poids au sein de l’associatif belge francophone.
Ce prix représente une opportunité de valoriser et de mettre à l’honneur les études sur les thématiques LGBTQI. Par ailleurs, c’est également un vrai bonheur pour moi de voir mon travail récompensé par un prix après des mois de dur labeur.
Un militantisme « genderfuck » qui ne souscrit pas à une vision binaire du genre confinant les personnes dans une soit-disant identité fixe mais qui envisage plutôt l’idée d’une multiplicité de genres et d’orientations sexuelles possibles. Cette multiplicité permet de réinterroger nos archétypes, nos codes pour les rendre plus cohérents ou tout simplement les innover.
En 2013, j’ai décidé de m’investir au sein du CHE (cercle LGBTQI étudiant de l’Université libre de Bruxelles), car j’avais été profondément marqué par deux événements dans l’actualité : la Manif pour tous en France contre le projet de loi de Taubira et le gaybashing que subissaient les homosexuels en Russie.
Fréquenter le CHE m’a aidé à assumer mon orientation sexuelle (ce qui n’a pas été évident au début, loin de là) et m’a permis de rencontrer des personnes qui sont devenues mes plus proches amis. A travers le CHE, je souhaitais tenter d’apporter ma modeste contribution dans la lutte contre l’homophobie et la transphobie.
Plus tard, j’ai appris l’existence de la fédération, les CHEFF, et le rôle qu’elle avait auprès des jeunes personnes LGBTQI. Cela m’a encouragé à vouloir m’investir davantage et à participer à différents projets. Au moment où Joey m’a proposé de devenir président des CHEFF, j’en ai été plus qu’honoré. Cela représentait une excellente opportunité d’améliorer les conditions de vie des personnes LGBTQI.
Je ressors satisfait de cette expérience de militantisme et du travail qui est effectué avec de nombreux partenaires tant dans le secteur associatif que politique. Bien sûr, tout n’est pas toujours évident : militer peut parfois s’avérer être frustrant car l’on n’obtient pas systématiquement les résultats que l’on souhaiterait. On peut parfois passer des heures à préparer un discours ou une communication qui ne sera finalement jamais entendu. Toutefois, lorsque les résultats sont là, on est toujours satisfait du chemin qui a été parcouru.