Conséquence de la sixième réforme de l’Etat, le suivi épidémiologique du VIH est désormais sous la responsabilité de la Wallonie. Elle a en effet hérité de cette compétence exercée jusque-là par la Communauté française, avec la COCOF pour la Région Bruxelloise.
C’est donc désormais à la Wallonie que l’Institut Scientifique de Santé publique (ISP) destine son rapport annuel sur le SIDA et le VIH[1], de manière à lui permettre d’élaborer sa stratégie de prévention.
De ce côté, on peut se réjouir des tendances générales qui ressortent des chiffres publiés il y a quelques jours. En 2016, l’ISP a recensé 915 nouveaux cas d’infections par le VIH dans notre pays, soit près de 100 cas de moins qu’en 2015 ou encore 307 cas de moins qu’en 2012, triste année record. C’est une évolution encourageante, surtout lorsque l’on sait, comme le rapporte l’Organisation Mondiale de la Santé, qu’à l’échelle européenne l’évolution est plutôt alarmante, en particulier dans les pays de l’Est[2].
Parmi les 915 nouveaux diagnostics, 176 ont été effectués en Wallonie. La baisse n’y est pas aussi spectaculaire que dans le reste du pays. Il y a même une augmentation des cas par rapport à 2015, mais l’ISP signale qu’elle pourrait non pas traduire une tendance à la hausse mais plutôt une amélioration du signalement de la part des médecins de notre région dans le cadre du système national de surveillance du VIH.
La transmission du VIH reste très élevée dans la population des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) avec 342 nouveaux diagnostics pour lesquels ce mode de transmission a été signalé, dont 59 en Wallonie.
Malgré la baisse constatée ces deux ou trois dernières années il faut rester prudent. D’une part, le nombre de nouveaux diagnostics reste élevé dans notre pays, avec un niveau de 9 nouveaux diagnostics par 100.000 habitants en 2016, alors que la moyenne pour l’Europe est de 5,9/100.000 selon l’OMS. D’autre part, si les perspectives à court terme semblent indiquer que la baisse devrait encore se poursuivre dans les prochaines années, les épidémiologues belges n’excluent pas à l’avenir une recrudescence, plus ou moins prononcée en fonction des efforts de prévention qui seront déployés[3]. Le message est clair : il faut maintenir, voire renforcer encore les différents outils de prévention.
Constatons d’abord que le nombre de tests de dépistage est dans notre pays relativement élevé. Après une légère baisse constatée en 2015, ce nombre est reparti à la hausse pour atteindre plus de 726.000 tests (non compris les tests décentralisés), ce qui représente 64,2 tests pour 1.000 habitants. Malgré cela, la marge de progression est importante. La France fait mieux, avec 81,3/1.000 et même le Luxembourg, qui atteint 123,6/1.000.
Par ailleurs, la mise sous traitement rapide des personnes séropositives est autorisée et remboursée en Belgique depuis fin 2016. La précocité de la mise sous traitement a non seulement pour effet de réduire les facteurs de développement vers le stade sida et est plus facile à supporter pour la personne séropositive elle-même, mais aussi elle accélère le moment où la charge virale devient indétectable, généralement après 6 mois de traitement (dans 94% des cas) avec comme effet que le virus ne se transmet plus, même par la voie sexuelle.
On retiendra aussi la vente libre des autotests en pharmacie et l’autorisation de remboursement de la prophylaxie pré-exposition (PrEP), intervenue en mai dernier.
Par contre, le besoin de renforcement du dépistage, qui est un élément clé des stratégies combinées de lutte contre le VIH, ne manque pas de nous préoccuper.
Le rapport de l’ISP donne pour la première fois cette année, et il faut le souligner, une estimation du continuum des soins des personnes vivant avec le VIH. Même si cette première tentative est encore assez approximative, en particulier dans l’estimation du nombre de personnes porteuses du VIH mais non diagnostiquées (entre 2210 et 3733), cette nouvelle dimension était particulièrement attendue car elle confirme, ce que les recommandations du rapport soulignent, qu’un effort prioritaire doit être fait pour accroître et mieux cibler les dépistages. En effet, alors que l’objectif de l’OMS est d’atteindre un niveau de 90% de dépistage des personnes porteuses du VIH, en Belgique on doit bien constater qu’on est loin du but, le pourcentage de population porteuse du VIH non diagnostiquée s’établissant à 15,3%. C’est une déconvenue lorsqu’on se rappelle que l’étude BELHIVPREV, citée plus haut et présentée à Paris en juillet dernier seulement, évaluait cette population à 12%. Or ce sont les personnes séro-ignorantes qui sont le plus susceptibles de propager l’infection sans même le savoir, à côté de celles qui se sachant séropositives ne sont pas sous traitement.
Accroître et mieux cibler le dépistage passe par un plus grand recours aux initiatives de dépistage anonyme, décentralisé et démédicalisé. Et c’est là que le bât blesse. Le Fédéral estime que ceci est de la compétence des régions et ne finance désormais plus les projets en cours. Si à Bruxelles la COCOF a déjà au moins partiellement pris le relai, rien n’est encore décidé en Wallonie dont le plan global de prévention tarde à être mis en place.
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[1] IPS-WIV, Epidémiologie du sida et de l’infection à VIH en Belgique. Situation au 31 décembre 2016, Santé publique et surveillance, novembre 2017.
[2] ECDC-WHO, HIV/AIDS joint surveillance report 2017.
[3] Sebastian Vermeersch, Steven Callens, Stéphane De Wit, Jean-Christophe Goffard, Marie Laga, Dominique Van Beckhoven & Lieven Annemans (3 juillet 2017) : Health and budget impact of combined HIV prevention – first results of the BELHIVPREV model, Acta Clinica Belgica, DOI : 10.1080/17843286.2017.1339978