En octobre 2016, Thibaut Delsemme, coordinateur du GrIS Wallonie, et Shirley Lemoine, intervenante bénévole, ont traversé l'Atlantique pour rencontrer divers pôles du GRIS Québec. Ils ont ramené beaucoup d'images de ce voyage. Des rencontres et des échanges que nous vous proposons de découvrir dans des vidéos disséminées entre les questions de ce compte-rendu. Bonne lecture, et bon visionnage !
Thibaut, tu es parti en octobre 2016 rencontrer les différentes structures du GrIS Québec. (Québec, Montréal, Chaudière-Appalaches et Estrie). Que peux-tu nous dire sur ces 4 pôles ? Fonctionnent-ils avec les mêmes moyens ? Avec les mêmes méthodes ? Rencontrent-ils les mêmes difficultés ?
Tout d’abord, nous avons entrepris, avec Shirley, un voyage d’observation et de recherche au Québec, dans le but d’en apprendre davantage sur la façon dont est mené le projet GRIS par les organisations qui l’ont initialement inventé. En effet, cela fait maintenant plus de 25 ans que sont menées au Québec des animations scolaires basées sur le témoignage de deux bénévoles (gay, lesbienne et bisexuel-le). Ayant mis en place des animations similaires chez nous (d’où le nom « GrIS Wallonie), nous voulions bénéficier de leur expérience en la matière afin d’aider le GrIS Wallonie à se développer.
Evidemment, comme nous ne faisons pas les choses à moitié, nous avons voulu visiter les 4 GRIS du Québec, afin de pouvoir comparer leur mode de fonctionnement. Nous avons notamment pu nous apercevoir de pas mal de différences, tant au niveau du nombre de bénévoles (500 pour Montréal !), des budgets alloués aux animations et du nombre de permanents affectés à la gestion des GRIS. Pourtant, bien que les moyens soient différents, c’est un objectif et une méthodologie commune qui rassemblent ces 4 structures, à savoir la « démystification » de l’homosexualité auprès des jeunes.
Rencontre avec Marie, Directrice du Gris Montréal : https://youtu.be/305_0l96IAg
Si ces 4 structures sont différentes, ont-elles néanmoins des points communs avec le GrIS Wallonie ?
En effet, en 2012, lorsque nous avons décidé de lancer les animations scolaires en Wallonie, l’idée était de s’inspirer des expériences déjà menées en la matière. C’est naturellement que notre choix s’est porté sur le Québec, tant la méthodologie et la gestion du projet nous semblaient la plus pertinente. Ainsi, le plus gros point commun est sans doute le fait de faire appel à des bénévoles pour réaliser les animations, chose qui ne serait pas réalisable si nous devions avoir du personnel permanent. La détermination de ceux-celles-ci pour mener à bien le projet est quelque chose de formidable à voir, et ca, c’est pareil des deux cotés de l’Atlantique.
Si nous devions identifier une différence entre notre système et celui des GRIS du Québec, c’est certainement le financement du projet. En effet, la culture au Québec conduit chacun à s’investir dans une ou plusieurs associations à titre bénévole. De même, les financements publics n’étant pas abondant dans ces matières, beaucoup d’entreprises acceptent de soutenir le projet pour des montants qui sont parfois colossaux. Rien que pour le GrIS de Montréal, sur un budget total de 500.000 dollars, plus de 80% sont issus de financements privés !
Rencontre avec Pierre, Directeur du GRIS Estrie : https://youtu.be/rGa2G6BuSgA
Qu’est-ce qui t’a le plus surpris lors de ces échanges ?
Lors de notre séjour, nous avons pu assister à plusieurs animations données par les bénévoles des GRIS Montréal et GRIS Québec. Nous savions évidemment que la méthodologie était la même et que l’animation serait certainement similaire à celles que l’on peut retrouver en Wallonie. Cependant, nous avons été surpris que les questions et réactions des jeunes étaient en tous points pareils à celles des jeunes dans nos écoles. On aurait pu s’attendre à d’autres types de questions, tant la culture est différente de chez nous et que l’acceptation de l’homosexualité y a fait plus de chemin. On s’est pourtant aperçu que les questions relatives à ces thématiques sont transversales et qu’on les retrouve à l’identique de chaque coté de l’océan ! Si on m’invite à aller observer des animations en Asie (si tant est qu’il en existe), je suis prêt à faire une étude comparative !!
Que penses-tu de l’apport important du financement privé ? Penses-tu que ce serait possible d’obtenir un soutien financier de ce genre en Wallonie ?
Je pense honnêtement que la culture nord américaine est plus propice au financement privé. Comme je l’ai dit, les financements publics ne sont pas légion en matière d’action sociale, ce qui ne laisse pas le choix aux ONG de se diriger vers le privé. De plus, les cotisations sur les salaires sont tout à fait différentes de chez nous, si bien que j’ai l’impression que le rapport au soutien de l’associatif est tout autre.
Rencontre avec André (Directeur) & Vincent (Coordinateur) du GRIS Québec : https://youtu.be/Seq3VZtIXEY
Certaines structures comportent un pôle recherche. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ? Est-ce une démarche que tu aimerais ajouter au GrIS Wallonie ?
Oui ! Au Québec, les bénévoles administrent un questionnaire avant et après l’animation, afin de récolter le sentiment d’acceptation des jeunes vis-à-vis de l’homo-et bisexualité. C’est évidemment un point important de leur travail, car la recherche permet non seulement d’en connaitre davantage sur les attitudes des jeunes sur la thématique, mais permet également une évaluation constante des animations.
Cette année d’ailleurs, le GRIS Montréal a publié une étude menée sur 10 ans de questionnaires ! Cette recherche permet de montrer l’impact positif des animations et de donner du crédit à leur action.
Nous aimerions également mettre en place ce type de questionnaire au GrIS Wallonie. Cependant, nous ne disposons pas de personnel suffisant pour en assurer le suivi et le traitement des données. C’est encore un projet qui reste dans le tiroir à l’heure actuelle.
Tu as assisté à une animation scolaire. Est-ce que tu y as repéré des éléments qui te serviront à nourrir les prochaines formations de bénévoles du GriS Wallonie ?
C’est évident que chaque animation que nous avons vu nous aide à améliorer nos formations. C’est très important de comprendre comment les jeunes réagissent lorsqu’ils sont face à nos bénévoles afin de pouvoir faire progresser nos animations. Cependant, ce ne seront pas les animations du Québec qui nous feront modifier nos formations (ou alors que sur quelques points) mais plutôt les nôtres ! En effet, bien qu’il y aient des points communs, les contextes sont totalement différents. Nous nous rendons régulièrement dans nos propres animations et sommes à l’écoute de nos bénévoles et de leurs conseils pour améliorer constamment nos formations. C’est eux-elles qui sont sur le terrain et qui savent le mieux ce dont ils-elles ont besoin en formation… D’ailleurs, c’est eux-mêmes qui donnent la plupart des modules !
Rencontre avec Jérôme du GRIS Chaudière-Appalaches : https://youtu.be/ECNAjt8p3hU
Quelle est la suite pour le GrIS Wallonie ? Comment prépares-tu son évolution ?
Après un tel voyage, on constate qu’on a encore du pain sur la planche !! Mais on ne baisse pas les bras ! Au Québec, les GRIS sont quasiment présents dans 100% des écoles… C’est juste génial ! On peut se dire que tou-te-s les jeunes bénéficient d’une information claire et non stigmatisée de l’homo-et bisexualité, et qu’il n’y a pas de différence d’une école à une autre. C’est vers cela que nous aimerions aller.
Cependant, pour y arriver, nous avons besoin de la volonté de tou-te-s. Et je ne parle pas seulement des bénévoles ! Tant les pouvoirs publics que les enseignants ou les parents doivent se sentir concernés et donner la possibilité au GrIS d’avancer. Il s’agit de l’affaire de tou-te-s. Nous disposons d’un outil qui fonctionne, avec des bénévoles sur les starting blocks, il suffit maintenant de nous soutenir !
Bonjour Shirley. Quand as-tu rejoint la Team des bénévoles du GrIS Wallonie ?
J'ai été formée lors du week-end en septembre 2015, à Namur.
Qu'est-ce que cela t'apporte sur le plan personnel ?
Animer des classes a été quelque chose de révélateur. J'ai remarqué que je prenais un plaisir énorme à me retrouver face à ces ados. Constater qu'ils ne connaissent pas grand chose ou presque rien sur l'homosexualité et pouvoir les éclairer est juste génial! Leur montrer que je suis une personne qui a des activités et des passions comme eux me tient vraiment à coeur.
Ta première animation ? Un succès ?
Ma première animation, je l'ai faite avec Thibaut, un mois après avoir été formée, au collège Saint Louis de Welkenraedt. J'étais légèrement stressée, j'avais peur de rater ma présentation, peur de dire quelque chose d'inadéquat et en plus j'étais en binôme avec le chef.Au final, ça s'est bien passé, mis a part m'être trompée d'école ... je suis tombée dans une classe de 5ème secondaire assez calme et très respectueuse. Ça a été un réel plaisir.
Rencontre avec Edgard & Elisabeth, intervenants au GRIS Montréal : https://youtu.be/2GPT2BkpeLw
Des réactions de jeunes qui t'ont étonnées ? Touchées ? Des réactions négatives parfois ?
Des réactions, je pourrais en raconter des centaines, qu'elles soient positives ou négatives. Je passe les réactions ou certains jeunes se retournent pour ne pas nous regarder ou nous demandent ce qu'on fait là où encore que l'homosexualité les dégoûte ... je préfère garder en tête les réactions agréables comme par exemple, une jeune fille de 16 ans, turque, qui a la fin de l'animation est venue me voir en me disant merci car grâce à moi elle avait compris qu'elle n'était pas homophobe comme elle l'avait toujours cru. Ça m'a beaucoup touché car c'est un peu pour ce genre de réactions que je suis devenue bénévole au GrIS.
Que retires-tu de ce voyage ?
Je partais pour un peu "comparer" ce que nous faisons et ce qu'ils font au Québec. Et au final, c'est incomparable! Les 4 Gris sont déjà tous différents selon leur taille et la population cible. Alors par rapport à notre petite Wallonie... j'ai apprécié prendre des petites choses applicables ici comme aller voir des animations avant de suivre la formation. Et j'ai pris conscience qu'il faut mettre en place des choses pour garder/fidéliser les bénévoles. Mais ce que je peux dire, c'est que je suis fière de notre Gris.
Est-ce que tu vas changer ta façon de gérer tes animations ?
Suite à ce voyage, je ne vais rien changer à mes animations. J'ai besoin de rester moi-même avec ce que j'ai à apporter aux jeunes. Je pense que c'est également ce qu'ils recherchent et pas quelque chose de théorique.