Après le meurtre d’Ihsane Jarfi le 26 avril dernier, les agressions d’Anvers, Gand et Alost ainsi que le meurtre de Jacques Kotnik à Liège, la Belgique enregistre de plus en plus de violences à l’égard des homos. Notre pays (re)devient-il homophobe ?
Le 1er mai dernier, la police découvre le corps d’Ihsane Jarfi, assassiné 5 jours plus tôt parce qu’il était gay. Depuis, les actes homophobes se succèdent à vive allure : le 18 juillet, deux hommes sont agressés à Alost dans un bar à coups de chaises et de queues de billard ; le 24 juillet, Jaques Kotnik est assassiné dans le Parc d’Avroy de Liège à coups de marteau. D’autres agressions, moins médiatisées en Wallonie ont encore eu lieu à Anvers et Gand. Ces actes ont en commun leur caractère singulièrement violent et haineux envers l’homosexualité.
Suite à cette série noire qui endeuille les gays et lesbiennes du Royaume, Arc-en-Ciel Wallonie a été invitée à se prononcer dans les médias sur ces faits particulièrement violents. Que ce soit à rtl+, le JT, Matin Première ainsi que dans la presse écrite, une question récurrente fût abordée : La Belgique connait-elle plus d’homophobie qu’avant ? C’est aux réponses de cette question que nous avons voulu apporter quelques nuances.
D’une manière générale, nous ne pouvons pas affirmer que notre pays devient plus homophobe que ce qu’il ne l’était il y a quelques années. En effet, de nombreuses lois sont venues compléter et renforcer le corpus législatif afin de garantir aux gays et lesbiennes les mêmes droits qu’aux hétéros, que ce soit au niveau mariage (2003) ou de l’adoption (2006). De plus, plusieurs lois anti-discrimination de 2003 et 2007, sans compter l’avant-projet de loi de la Ministre de la Justice, Anemie Turtelboom, tendent à durcir les peines pour actes homophobes. Ainsi, notre pays n’est pas à plaindre en matière de lutte contre l’homophobie, en tout cas au niveau législatif. Alors, pourquoi tant de démonstration de haine ?
Nous avons réfléchi à la question et pouvons avancer quelques éléments de réponse.
Tout d’abord, il faut noter que les infractions homophobes ont toujours existé, bien qu’elles ne soient pas forcément étiquetées comme telles. Ainsi, il y a 20 ans, on aurait peut être entendu parler d’un sdf massacré à coups de marteaux sans toutefois préciser la motivation homophobe du meurtre. Maintenant que l’on ose mentionner le caractère homophobe pour des faits qui le sont réellement, il est normal que, statistiquement, on ait l’impression d’une augmentation du nombre de ces actes.
De plus, certains gays et lesbiennes, victimes d’homophobie, osent plus qu’avant déposer un signalement au Centre pour l’Egalité des Chances ou une plainte au commissariat en précisant les circonstances homophobes des faits dont ils ont été victimes. Bien que bon nombre d’homos ne signalement pas systématiquement qu’ils ont été victimes de ce type d’actes, ou déposent plainte sans spécifier le caractère homophobe des faits, d’autres franchissent plus le pas qu’avant. Cela a pour conséquence de réduire ce fameux « chiffre noir » et fournir des statistiques plus proches de la réalité en matière d’infractions homophobes. Il est cependant important d’encore améliorer l’accueil dans les commissariats des gays et lesbiennes victimes d’homophobie afin de réduire ce chiffre noir.
En parallèle de ce constat, il faut souligner la montée de la violence en générale dans notre société. Ainsi, les homos n’étant pas épargnés, les chiffres ne peuvent que grimper.
Ensuite, en période de crise, la société a tendance à remettre en question les progrès sociaux acquis par le passé. Que ce soit la lutte contre le racisme, contre le sexisme ou contre l’homophobie, les personnes subissant la crise actuelle cherchent des boucs émissaires et trouvent chez les gays, lesbiennes, étrangers,… des « exutoires sociaux ». On constate donc une augmentation des partis extrémistes et, en autres, de l’homophobie.
Enfin, il faut également rappeler le contexte dans lequel se sont déroulées ces récents crimes et infractions. Les meurtres homophobes à Liège ont eu pour effet de capter l’attention des médias sur cette thématique. Dès lors, aurait-on pu lire dans nos journaux (entendre à la radio et voir à la télé) que deux gays se sont fait passé à tabac dans un bar ou qu’une lesbienne s’est faite insultée en rue si on n’avait pu faire le rapprochement avec des crimes plus « sensationnels »? Dans ce contexte, l’homophobie pourrait être devenue un enjeu médiatique…
« Ce n’est pas plus grave d’agresser un homo qu’un hétéro »
Nous profitons également de cet article pour remettre l’église au milieu du village… Nous n’avons pu nous empêcher de lire les différents commentaires et réactions des lecteurs suite aux articles parus dans la presse.
Certains de ces commentaires remettaient en question la récente initiative de la Ministre de la Justice avec son avant-projet de loi durcissant les peines pour homophobie, considérant que l’on ne doit pas punir plus sévèrement une infraction commise sur un homo qu’une autre sur un hétéro. Il est évident que la loi doit être la même pour tout le monde et qu’un traitement de faveur pour une catégorie de personne ne peut se justifier.
C’est pour cette raison qu’un éclaircissement s’impose. Le caractère aggravant de l’infraction que la loi prend en considération n’est pas le fait que la victime soit gay ou lesbienne mais bien la motivation de l’agresseur à poser un tel acte. Ainsi, une peine ne sera pas forcément plus sévère pour une infraction posée sur un gay ou une lesbienne mais elle le sera si ce même acte est motivé par l’orientation sexuelle de la victime. Agresser un homo parce qu’il est homo est dès lors tout aussi punissable que d’agresser un hétéro parce qu’il est hétéro.