Retour sur le procès d'assises pour le meurtre de Mbaye Wade

Le mardi 21 mai 2024 débutait à la cour d’Assises de Liège le procès de Jérémy Davin et Louis Bouton pour le meurtre de Mbaye Wade. La fédération Prisme s’y était constituée partie civile, représentée par Me. Lemmens, afin de faire reconnaître le caractère homophobe de ce meurtre.

Le Jeudi 6 juin 2024, à l’issue de trois semaines d’audiences, le verdict a été rendu et la circonstance aggravante d’homophobie a été retenue par le jury à l’encontre de Jérémy Davin.

L’enjeu dans la reconnaissance de cette circonstance aggravante résidait dans le fait que l’auteur du meurtre se définissait comme bisexuel et avait entretenu avec la victime des relations homosexuelles. Or, dans l’inconscient collectif, il demeure difficile d’envisager que l’on puisse être homo/bisexuel et homophobe. Il était alors question d’amener des éléments attestant l’existence d’une homophobie intériorisée. C’est dans ce sens que Me. Lemmens a construit sa plaidoirie, invoquant le caractère « intériorisé » de ce type d’homophobie pour ce qu’il dit de notre construction sociale : le modèle patriarcal sur lequel se construit l’image des genres et des relations affectives et sexuelles engendre chez certaines personnes un profond dégoût d’elles-mêmes. S’ensuit parfois un intense rejet de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre pouvant conduire à la haine voire à la destruction d’un·e autre considéré·e comme semblable.  

Le fait que les juré·e·s aient retenu ce critère témoigne de la capacité de la société civile à faire opérer à une justice codifiée une sorte de réflexivité qui fait jurisprudence. C’est d’ailleurs historiquement cela le rôle du jury populaire dans une cour d’assises : agrémenter le droit d’une forme de prudence. Cela n’est bien entendu pas toujours le cas et le terme même de « justice » recouvre de nombreuses acceptions.

Il semble cependant raisonnable, pour ce cas précis, de reprendre les termes de Portalis: « On ne peut pas plus se passer de jurisprudence que des lois ». En effet, il est désormais possible que l’issue de ce procès serve de guide pour d’autres affaires similaires et il est souhaitable qu’elle soit mobilisée dans des travaux d’élaboration de lois progressistes pour caractériser les crimes LGBTQIA+phobes de manière plus systématique.

L’issue d’un procès n’est jamais une victoire en soi. Celui-ci ne fait pas exception : la victime ne reviendra pas à la vie et la prison témoigne d’un échec à faire société. Par contre, la reconnaissance par le jury d’assises de l’ «homophobie intériorisée» est un progrès social majeur : elle en fait un élément de jurisprudence capable de remettre en cause les racines des structures de dominations patriarcales à l’origine des LGBTQIA+phobies et des crimes qu’elles engendrent.

Pour retrouver la communication d'UNIA sur l'issue de ce procès, vous pouvez cliquer ici.

Pour retrouver le dossier d'UNIA sur l'augmentation des dossiers LGBTI+ en 2023, vous pouvez cliquer ici

Pour retrouver le dossier d'UNIA sur la violence à l'égard des personnes LGBTI+ en 2023, vous pouvez cliquer ici

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