Update : le don de sang des HSH en Belgique. Maggie de Block sort du silence...

Belga

Dans une note de politique générale datant du 27 octobre 2016, Maggie de Block annonce qu’un changement de loi se profile pour début 2017. Concernant le groupe cible des HSH, son exclusion du don de sang devrait être supprimée après une abstinence de contacts HSH de 12 mois. Il n’est fait aucune distinction entre le don de sang complet et le don de composants sanguins."

Maggie de Block sort donc enfin du silence, et la direction qui semble prise ne nous convient absolument pas.

Pour Arc-en-Ciel Wallonie, le caractère discriminatoire du critère HSH ne fait pas de doute. L’option d’une exclusion temporaire de 12 mois après le dernier contact HSH n’enlèverait fondamentalement rien au caractère discriminatoire de l’exclusion de la catégorie HSH.

Le don de sang en caméra cachée, ça donne quoi ?

https://youtu.be/w1VwBfLaCYk

La Belgique à la traîne

La Belgique se démarque souvent du reste du monde par des prises de décisions positives en matière des droits individuels et sociaux. En matière de droits LGBT, elle se situe d’ailleurs en deuxième position mondiale (ILGA MAP) mais, quand le dossier du don de sang se pose, notre pays fait clairement figure de mauvais élève. A titre d’exemple, en Italie, après un rapport jugé « à risque », un donneur est écarté pour une période de 4 mois. Par ce procédé, l’Italie met donc sur le même pied d’égalité un rapport à risque hétérosexuel et un rapport à risque homosexuel. C’est donc ce rapport à risque qui écarte le donneur et non son orientation sexuelle. La durée d’écartement est de 6 mois pour l’Espagne et l’Afrique du Sud, et de 12 mois pour d’autres pays comme l’Angleterre, la France, l’Argentine, l’Australie et les Etats-Unis.

Qu’est-ce qu’un comportement à risque selon la Croix-Rouge ?

  • Fréquenter un nouveau partenaire
  • Avoir des partenaires multiples
  • Avoir des rapports tarifiés
  • Etre un homme et avoir des rapports sexuels avec un autre homme

D’autres facteurs, comme un voyage en région tropicale ou un tatouage, peuvent aussi vous écarter temporairement du don de sang.

UPDATE

Nous sommes en total désaccord avec ce listing qui, pour nous, se contente d'exclure des groupes de population en se basant sur des suppositions. Il est impératif de tenir compte des comportements à risque et non du contexte du rapport. Que ce rapport concerne deux hommes, qu'il soit tarifié, qu'il soit composé d' un nouveau partenaire ou de plusieurs personnes, ce rapport, s'il est protégé, ne doit pas être une cause d'exclusion.

Des arguments scientifiques ?

Les arguments scientifiques en faveur du maintien de l’interdiction avancent plusieurs points. Le premier est appelé la « fenêtre silencieuse », à savoir la période qui suit l’infection et pendant laquelle la détection du virus est impossible. Cette période est, grâce aux tests pointus actuels (tests génomiques NAT) de 11 jours. Si on y applique le principe de précaution d’usage en médecine en doublant cette période,  car tout le monde ne réagit de façon identique ni au VIH ni aux tests de dépistage, la fenêtre silencieuse serait donc de 22 jours. Je vous propose un petit calcul. Vous allez voir, c’est amusant. 365 – 22 = 343.

Quel est donc l’argument impayable qui justifie une période d’un an d’abstinence ?

Les hépatites B et C ont une période silencieuse de 60 jours. Si on leur applique le même principe de précaution, on double cette période pour atteindre 4 mois.

Quel est donc à nouveau cet argument impayable qui justifie une période d’un an d’abstinence ?

En second point vient la prévalence qui représente le nombre total de personnes vivant avec le VIH à un moment donné. Une donnée difficile à quantifier. Tout le monde ne se fait pas dépister. Néanmoins, la prévalence est une donnée qui ne peut que croitre. En effet, les nouveaux cas s’ajoutent aux anciens qui, grâces aux avancées thérapeutiques, vivent beaucoup plus longtemps qu’avant. La prévalence est un argument qui arrange le corps médical et pourtant, cet argument peut se retourner contre lui. Prenez par exemple les personnes qui vivent dans des grandes villes et dans des capitales, on peut logiquement en déduire que la prévalence est plus élevée dans ces endroits. Est-ce que les donneurs sont triés en fonction de ce critère ? Non. Prenez aussi les personnes d’Afrique sub-saharienne,  une région du monde fortement touchées par le VIH. Les personnes originaires de cet endroit sont écartées pour une période de 3 ans.

Pourquoi une telle différence de traitement vis-à-vis des homosexuels ?

Le troisième point est l’incidence, un point qui concerne les nouveaux diagnostics d’infection au VIH par année.  Selon un rapport du SPF Santé Publique publié le 26 mai 2015, après un pic de 425 cas (issus de la population HSH) atteint en 2013, les chiffres de nouvelles infections pour 2014 sont redescendus à 340 cas… l’incidence diminue donc de 21%. Ajoutons à cela que les HSH représentent une population fortement dépistée, ce qui a un impact non négligeable sur les statistiques.

Enfin, l’argument du risque résiduel qui estime le risque de transmission du VIH lors des dons de sang. L’institut scientifique de la santé publique évalue aujourd’hui ce risque à 0.53 par million de dons. Si on supprimait complètement l’exclusion permanente, ce risque résiduel augmenterait à 0.81 par million de dons, soit une augmentation du risque résiduel de 54% directement liée à l’autorisation des homosexuels de donner leur sang, or en 2005 les chiffres étaient tout autres. Le Conseil Supérieur d'Hygiène avait rendu un avis négatif sur la modification du critère d’exclusion permanente des HSH du don de sang en s’appuyant sur un rapport qui jaugeait le risque résiduel à 0.13 par million de dons. Un chiffre qui passerait à 0.18 par millions  si les HSH étaient autorisés à donner leur sang. La dégradation spectaculaire entre ces deux estimations - on est passé en 10 ans de 0.13 à 0.53 – nous laisse perplexe. De plus, avec un niveau de 0.53, le CSS estime qu’en Belgique, « les risques résiduels actuels sont extrêmement faibles ».

Comment expliquer que passer d’un risque de 0.13 à 0.53 par million soit perçu comme parfaitement anodin, alors que passer d’un risque de 0.13 à 0.18 par million était inacceptable ? Quelle valeur accordé à ces chiffres qui semblent juste servir à créer des écarts ?

Des statistiques en veux-tu en voilà.

Pour calculer la prévalence et l’incidence de l’infection au VIH propres au groupe des HSH, il est important de pouvoir quantifier ce groupe. Comme il n’y a pas d’étude belge évaluant notre population HSH, le CSS s’en réfère à « la littérature » et retient le chiffre de 3%. Nous nous permettrons de douter fortement de cette estimation.

D’un point de vue sociologique, c’est probablement une donnée extrêmement difficile à identifier. Que mesure-t-on exactement ? Nous pourrions aligner bon nombre d’études qui démontrent que ce chiffre de 3% est très largement sous-estimé. Les Etats-Unis, qui sont également passés en décembre dernier à un régime d’exclusion temporaire de 12 mois, prend en compte le chiffre de 6,5%.

Deux sources, parmi bien d’autres, indiquent des chiffres effectivement très différents.

La première, c’est Durex ! Durex dispose d’un centre d’étude très sérieux qui explore la sexualité sous tous ses angles dans ses études annuelles, les GLOBAL SEX SURVEYS. Dans son édition de 2005, l’une des rares à avoir porté sur la Belgique, on constate que 15% des belges déclarent avoir déjà eu au moins une expérience homosexuelle.

La seconde est un sondage à destination des 15-34 ans, effectué par les télédiffuseurs publics de 10 pays européens, dont la Belgique francophone et flamande. Cette enquête porte sur de nombreux sujets, dont la sexualité. Voici les réponses à la question « As-tu déjà essayé l’amour homo ? 11% répondent oui et j’aime ça et 4 autres % répondent oui mais ça ne les intéressent plus. On arrive donc au même chiffre que Durex, à savoir 15%.

L’estimation de ce pourcentage est crucial car, à lui seul, il impacte et tronque l’ensemble des autres statistiques. Sous-évaluer la population HSH permet d’augmenter les pourcentages de prévalence, d’incidence et de risque résiduel et contribue donc à véhiculer le message qu’il n’est pas prudent de lever l’interdiction.

En conclusion, nous attendons une prise de décision qui mêle respect des arguments scientifiques et respect des individus. Pour le moment, la ministre de la santé fonce tête baissée et nous donne, comme souvent, l'impression de ne pas prendre en compte ces arguments.  


En complément, le lien d'un article du "New England Journal of Medecine" :http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMms1613425

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